La sanction la plus lourde en droit du travail: la violation d’une liberté d'agir en justice
La Cour de cassation considère de manière constante que la liberté d’agir en justice constitue une liberté fondamentale résultant de l’alinéa 1er du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1946 (Cass. Soc., 6 février 2013, n° 11-11.740 ; Cass. Soc., 9 octobre 2013, n° 12-17.882; Cass. Soc., 3 février 2016, n° 14-18.600)
Dans un arrêt publié du 21 novembre 2018, la Cour de cassation a frappé de nullité un licenciement prononcé sur le fondement d’une menace d’un salarié d’entamer une procédure judiciaire à l’encontre de son employeur en raison de l’atteinte à la liberté fondamentale d’agir (ester) en justice que constitue un tel motif :
« Mais attendu qu’ayant constaté que la lettre de licenciement reprochait notamment au salarié d’avoir menacé l’employeur d’entamer des procédures à l’encontre de la société, la cour d’appel en a exactement déduit que la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse envisagée par le salarié était constitutive d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice entraînant à elle seule la nullité de la rupture » (Cass., Soc, 21 nov. 2018, 17-11.122, Publié au bulletin)
Le fait que la lettre de licenciement ne fasse pas uniquement état d’une action judiciaire ou d’une menace d’entamer est indifférent à disqualifier la nullité du licenciement :
« Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en nullité du licenciement, l'arrêt retient que, selon la lettre de licenciement, la décision de rupture du contrat de travail ne repose pas sur le seul motif qu'il a pris l'initiative de saisir le conseil de prud'hommes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ce grief, s'il figure en tant que tel dans la lettre de licenciement, est constitutif d'une atteinte à une liberté fondamentale et entraîne à lui seul la nullité du licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; » (Cass., Soc, 8 février 2017, 15-28.085)
L’indemnité versée en raison de la nullité d’un licenciement prononcé en violation d’une liberté fondamentale revêt un caractère forfaitaire et correspond à l’ensemble des sommes qu’aurait dû percevoir le salarié entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans aucune déduction des revenus de remplacement (Cass., Soc, 21 nov. 2018, 17-11.122, Publié au bulletin)
En d’autres termes, la société ne peut demander à déduire les indemnités versées par Pôle Emploi ou les salaires auprès d'un autre employeur du montant des condamnations prononcées à son encontre en cas de licenciement prononcé en violation d’une liberté fondamentale.
Dans la mesure où les contentieux peuvent durer plusieurs années le niveau de condamnation peut être gigantesque, si ce n'est insurmontable pour les finances d'une entreprise.