Une entreprise avait mis en place un système de badgeage applicable aux salariés ayant conclu une convention de forfait en jours.
Ce système de badgeage devait être effectué en début de journée et en fin de journée. Il avait pour objet de s’assurer que les salariés concernés comptabilisaient une durée de travail suffisante pour le paiement d’une journée de travail (6 heures était demandé).
Le salarié avait saisi le conseil de prud’hommes en estimant que ce système de pointage était incompatible avec une convention de forfait en jours.
Il demandait donc notamment le paiement d’heures supplémentaires sur la base de 35 heures par semaine.
La Cour d’appel puis la Cour de cassation lui donnent raison au motif que :
« 6. La cour d'appel, qui a constaté que le salarié était soumis à une obligation de pointage lors de son entrée dans l'usine, pour chaque demi-journée de présence, donnant lieu à des relevés informatiques reprenant chaque jour les heures d'arrivée et de départ et le nombre d'heures travaillées, et qu'une journée de travail, pour être validée, devait comptabiliser six heures de présence dans l'entreprise, a pu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen pris en sa quatrième branche, en déduire que le salarié ne disposait pas d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps pour être éligible à une convention de forfait en jours. »
Cass. Soc., 7 juin 2023, n° 22-10.196
Cet arrêt pose très clairement une incompatibilité entre une convention de forfait en jours et un système de badgeage.
Comment articuler cet arrêt avec les conventions collectives prévoyant spécifiquement que les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne peuvent pas travailler plus de « X » heure par jour et « Y » heure par mois ?
Comment faire également pour s’assurer qu’en dehors même de cette hypothèse un salarié bénéficie bien de la durée minimale de repos journalière et hebdomadaire ?
C’est toute la difficulté du forfait en jours et de son articulation avec les règles issues de la directive européenne 2003/88/CE sur le temps de travail.
On pourrait penser qu’un système de badgeage serait compatible avec une convention de forfait en jours s’il avait pour objet de veiller au respect de ces temps de repos et non de décompter la durée du travail du salarié.
La différence parait toutefois ténue puisque le temps de repos permettrait de déduire le temps du travail du salarié, ce qui correspond peu ou prou à l’arrêt commenté.
Quid d’un système informatique effaçant les heures d’entrée et de sortie mais permettant simplement de dire si, tous les jours, la durée minimale de repos a été atteinte ?
Pourquoi pas, mais si le salarié conteste l’efficience de ce compteur l’entreprise aura des difficultés à démontrer que la durée du travail est effectivement contrôlée… sauf à produire les horaires de badgeage, et donc confirmer qu’un pointage de la durée du travail est effectuée.
Disons donc les choses simplement : en l’état mieux vaut renoncer à tout système de badgeage pour les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours.